La vie quotidienne des Gaulois : mythes et réalités - Margaux Thuillier avec Châteaumeillant Nature

Publié le par chateaumeillant-nature.over-blog.com

A l’invitation de l’association Châteaumeillant Nature, Margaux Thuillier, responsable scientifique du musée Emile Chénon de Châteaumeillant est venue nous parler, ce 25 mars, de la vie quotidienne des Gaulois. Le sujet n’est pas anodin puisque Châteaumeillant est le lieu d’une ancienne cité gauloise (Mediolanum) qui a fait l’objet de nombreuses fouilles et dont tous les objets découverts sont conservés au musée Emile Chénon de la ville. Cette conférence a été suivie par une soixantaine d’auditeurs.

La vie quotidienne des Gaulois : mythes et réalités - Margaux Thuillier avec Châteaumeillant NatureLa vie quotidienne des Gaulois : mythes et réalités - Margaux Thuillier avec Châteaumeillant Nature

Au cours de l’histoire, l’image des Gaulois a beaucoup évolué. Pour les Gréco-romains, les Gaulois sont des barbares, car  ils ne parlent ni grec ni latin et n’ont pas les mêmes coutumes.

Au 19ème siècle, après la Révolution, se construit une nouvelle histoire de France qui doit prendre ses racines au-delà de la monarchie. Le récit mythique d’un peuple originel des Français se crée : les Gaulois. Ils occupent un territoire bien identifié à l’emplacement de la France moderne, ils ont une culture homogène (et en plus ils s’opposent aux Germains !) : parfait !

La 3ème République impose cette vision dans les écoles (Lavisse), et génère une héroïsation du Gaulois : brave, intelligent mais aussi désordonné et non civilisé…

Ces visions des Gaulois, écrites et réécrites à des fins politiques va être déconstruites au cours du 20ème siècle par le développement de l’archéologie, notamment grâce aux photos aériennes et aux fouilles préventives. La présence gauloise, structurée en un grand nombre de peuples différents (mais de culture homogène) est effectivement omniprésente sur le territoire de la France actuelle. Châteaumeillant en est un bon exemple.

Les Gaulois de Châteaumeillant (Mediolanum à l’époque) appartiennent au peuple Biturige dont la capitale est Avaricum (Bourges). La carte de Peutinger (copie d’une carte romaine du 3ème et 4ème siècle) situe Mediolanum sur la voie Poitiers-Clermont Ferrand, un axe majeur, et atteste de l’importance de la cité.

Au début du 2ème siècle av JC, les Gaulois installent un village ouvert sans fortification sur le promontoire de l’actuelle Châteaumeillant. La cité se situe en un lieu stratégique à la limite du territoire des Lémovices et des Arvernes. Aux alentours de 100 av. J.-C., ce site devient un oppidum des Bituriges, protégé par un « mur gaulois » (murus gallicus). A l’époque du siège d’Avaricum par César ce murus gallicus est renforcé par un imposant rempart massif (17m de haut et 30m de largeur à sa base).

Mais comment vivait-on  dans une cité gauloise telle que Mediolanum ? Dans le grand public, la principale source d’information sur la vie quotidienne des Gaulois restent les bandes dessinées d’Astérix !!! Le sujet de la conférence de Margaux Thuillier sera de comparer les représentations de Goscinny et Uderzo aux connaissances scientifiques actuelles tirées de l’archéologie.

Le village gaulois

chenet à tête de cheval (musée)

Une maison dans un village gaulois s’appuie sur des poteaux en bois avec des clayonnages recouverts de torchis et une couverture de chaume, de bois ou de tuiles. Elle comporte une grande pièce centrale avec un sol en terre battue. Le foyer au sol comporte des chenets décorés, souvent zoomorphes et souvent en terre cuite (un très beau chenet représentant un cheval en colère est au musée de Châteaumeillant).

La pierre est peu utilisée et presque exclusivement dans le sud de la Gaule.

La BD est donc plutôt réaliste

L’alimentation

 

Les Gaulois sont de remarquables agriculteurs et consomment ce qu’ils produisent. La campagne est exploitée par un réseau dense de petites fermes et grandes exploitations. Les outils sont performants grâce à une métallurgie développée. Les Gaulois produisent et consomment des céréales qu’ils transforment en farine avec des meules fabriquées localement (St Christophe le Chaudry, Champillet). L’auteur latin Pline rapporte que les Gaulois auraient inventé  le tamis en crin de cheval et font du pain grâce à la levure de bière.

Ils consomment aussi du bœuf (surtout), porc, mouton, chèvre, chien … mais peu de sanglier, animal de la forêt à caractère sacré, il est respecté.

Beaucoup de leurs produits agricoles sont exportés.

Astérix et Obélix nous ont trompés avec leurs sangliers !

Artisanat

 

Forgerons : ils sont très importants, c’est l’âge du fer et celui-ci a remplacé le bois dans l’agriculture.

Textile : fabrications maison à partir de la laine, du lin du chanvre et bien d’autres fibres végétales. On retrouve des forces (tonte des moutons), des fusaïoles, des pesons de métier à tisser… Les fibres sont teintes et les Gaulois aiment les tissus à carreaux ou à rayures très colorés.

Métallurgie : on a retrouvé à Châteaumeillant des lingotières ayant contenu du cuivre, du zinc, du plomb, utilisés pour la fabrication de monnaie et aussi dans l’orfèvrerie

Poteries, mais aussi d’autres artisanats qui laissent peu de traces archéologiques (cuir, bois…) existent également.

Les productions artisanales sont aussi des produits d’exportation.

La bande dessinée est donc réaliste

Margaux est d’ailleurs venue à cette conférence vêtue d’une tenue gauloise.

Les hommes portent un pantalon, les femmes une robe, le vêtement du haut est la tunique. Par temps froid s’ajoute une cape, un manteau de laine agrafé avec une fibule. N’oublions pas les bijoux et notamment le torque porté par les hommes et les femmes

Potion magique

 

La potion magique des Gaulois c’est la cervoise et le vin !

La consommation de vin explose entre 200 et 150avJC : 20% de vin en 200 av JC, 80% de vin en 150 av JC. Une spécificité à Châteaumeillant est que les amphores vides sont conservées, on les retrouve bien rangées dans des caves. On ne connait pas leur utilisation potentielle future. Il est possible qu’elles étaient réutilisées pour un autre usage.

D’après Pline, les Gauloises utilisent l’écume de bière comme produit de beauté.

Nous n’avons pas d’appréciation sur les qualités magiques de ces potions

Les Gaulois sont belliqueux

 

Il est vrai que les affrontements entre tribus gauloises sont fréquents. L’armée gauloise n’est pas une armée de métier à l’inverse de l’armée romaine mais elle est un minimum structurée, organisée et hiérarchisée. Nous n’avons pas de témoignage d’une armée gauloise à Mediolanum, mais plutôt un bel exemple d’art de la guerre : la fortification.

 Le rempart massif de Châteaumeillant en est un bel exemple : le noyau s’appuyant sur le murus gallicus est un véritable béton de terre et la paroi externe un vrai blindage. Avec la maitrise de l’hydraulique et son architecture, ce rempart résiste aux sapes, aux mines, au feu, aux tours, aux catapultes… toutes les armes romaines.

 

Au final, les BD d’Astérix ne présentent pas seulement des idées reçues (sangliers, Gaulois désordonnés), mais dévoilent aussi une image générale conforme de l’antiquité !

En dehors des BD d’Astérix, il existe de nombreuses représentations du Gaulois, traditionnellement présenté moustachu et coiffé d’un casque ailé. Par contre les documents nous montrent plutôt des personnes imberbes et l’archéologie retrouve beaucoup d’ustensiles pour le soin du corps (rasoirs, pinces à épiler…). Les guerriers ne portent pas de casque ailé mais le casque peut comporter des couvre-joues qui, relevés ont pu faire penser à un casque ailé.

statue d’Ambiorix (1868)       //      sesterse d'or au nom de Vercingétorixstatue d’Ambiorix (1868)       //      sesterse d'or au nom de Vercingétorix

statue d’Ambiorix (1868) // sesterse d'or au nom de Vercingétorix

La légende veut que le Gaulois n’ait peur que d’une chose : que le ciel lui tombe sur la tête ! Cette légende vient d’Arrien qui relate ce fait dans un entretien entre Alexandre le Grand et des tribus gauloises. Deux interprétations sont possibles : soit il s’agit d’une vantardise (les Gaulois n’ont peur de rien !) soit cela repose sur leur conception de l’univers dans laquelle le ciel est une sorte de dais maintenu par des colonnes, l’effondrement de ce dais correspondrait à la fin d’un cycle dans une vision cyclique de l’univers commune à beaucoup de peuples indo-européen.

La vie quotidienne des Gaulois : mythes et réalités - Margaux Thuillier avec Châteaumeillant Nature

C’est sur cette image du banquet à la gauloise que se termine cette passionnante conférence présentée par Margaux Thuillier.

Et maintenant place aux questions car cette conférence a suscité tant d’intérêt dans le public que les questions sont nombreuses. Elles permettent à Margaux d’apporter quelques précisions supplémentaires sur la vie des Gaulois.

La vie quotidienne des Gaulois : mythes et réalités - Margaux Thuillier avec Châteaumeillant Nature

Le tonneau est très probablement une invention gauloise. Nous évoquons avec une technique voisine le seau en bois exposé au musée. La conservation de ces objets en bois est difficile et ces objets sont assez rares.

Le remarquable seau gaulois découvert à Trémuson :

 

La musique : L’archéologie musicale est une discipline qui s’occupe de retrouver les sonorités du monde antique. Cette émission de 7 minutes résume bien ce que nous savons sur les instruments, la musique gauloise et tente une reconstitution de morceau joué avec un carnyx : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/tendez-l-oreille/tendez-l-oreille-retrouver-la-musique-gauloise-a-partir-d-un-instrument-5158190

Les dieux et les sanctuaires : Il est difficile de rendre compte de ce sujet tant les sources sont ténues ou difficilement interprétables. Peu de textes évoquent les dieux gaulois (rappelons l’extrait de la Guerre des Gaules : « Le dieu qu'ils honorent le plus est Mercure. Il a un grand nombre de statues ; ils le regardent comme l'inventeur de tous les arts, comme le guide des voyageurs, et comme présidant à toutes sortes de gains et de commerce. » Mercure correspond à Lug. )

Les religions gauloises reposent principalement sur des cultes des lieux naturels. Des dieux occupaient les sommets, sources, cavités.  De nombreuses agglomérations se sont développées à partir du VIème s. av. J.-C. autour de ces sanctuaires (l’archéologie en témoigne). Pour approfondir sur les sanctuaires gaulois : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/carbone-14-le-magazine-de-l-archeologie/l-extraordinaire-sanctuaire-gaulois-de-saint-just-en-chaussee-7571756

Le gui était pour les Celtes le symbole de l'éternité du monde et de l'immortalité de l'âme. On lui attribuait des vertus médicinales et miraculeuses : il neutralisait les poisons, assurait la fécondité des troupeaux, guérissait tout. Mais attention le gui est aussi mortel !

La place de la femme chez les Gaulois

Chez les Gaulois, la femme est l’égale de l’homme : il existe des femmes chefs de village et même des princesses très puissantes et riches (tombe de Vix), des ambassadrices peuvent être choisies pour mener des négociations. Pour approfondir sur le sujet : une émission d’Arte diffusée samedi soir et disponible sur le site arte.tv ! En Italie, en Allemagne et en France, d’exceptionnelles sépultures amènent les scientifiques à reconsidérer la place des femmes dans les sociétés préhistoriques : https://www.arte.tv/fr/videos/099605-000-A/les-reines-oubliees-de-l-age-du-fer/ (reportage disponible sur Arte.tv du 24/03/2023 au 22/06/2023)

Une question est posée concernant le crâne découvert au fond d’un puits. Ce crâne gaulois est celui d’un homme (probablement), jeune. Il a été scalpé et exposé. Deux explications sont possibles : soit il s’agit d’un trophée (crâne d’un ennemi), soit il s’agit d’un personnage vénéré. Le fait qu’il ait été trouvé dans un dépôt rituel laisse plutôt penser à la 2ème hypothèse.

Un grand merci, Margaux !

Un grand merci, Margaux !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Après-midi très agréable ,merci Margaux.
Répondre
J
conference instructive et passionnante, compliments Bernard
Répondre
C
Merci à Margaux Thuillier surtout<br />